Exemple : Où en sommes-nous de la réforme des retraites ?
Pendant de nombreuses années, l’évocation de la retraite des dirigeants conduisait spontanément à penser aux dispositifs dits Article 39 (L137-11), également communément appelés « retraites chapeau ».
La construction de tels régimes de retraite permettait de créer des pensions aux montants non négligeables, parfois en peu de temps.
Pour autant, en 2014, l’Europe a introduit une Directive visant à les supprimer, au motif que ces plans de retraites conditionnaient le bénéfice de leur droit à l’achèvement de carrière dans l’entreprise : l’aléa du régime, volontairement établi à l’origine pour conserver les talents, entravait le principe de mobilité du travailleur européen.
Tardant à transposer la Directive, la France a modifié la réglementation en imposant via la loi PACTE du 23 mai 2019 l’arrêt de la constitution de droits L137-11 à compter du 31 décembre 2019.
Les grands groupes se sont alors tournés vers leurs conseils (actuaires-conseils, avocats, organismes assureurs) pour organiser le changement et mettre en place dorénavant des régimes de retraites à droits acquis, conformément à la volonté de l’Europe.
Le PERO : une première étape
La couverture des dirigeants par un Plan d’Epargne Retraite Obligatoire est très répandue parce que ce régime bénéficie d’un cadre social et fiscal de faveur. Cependant, assorti de contraintes réglementaires (notamment par la définition réglementée du collège des bénéficiaires et les relatifs faibles montants de cotisations optimisés), ces régimes ne suffisent pas à eux seuls à constituer une retraite destinée à des dirigeants.
Le roi est mort, vive le roi ! L’avènement du régime L137-11-2
Dans la continuité du fonctionnement des anciens régimes Article 39 à droits aléatoires, le législateur a introduit un nouveau régime toujours à prestations définies mais cette fois à droits acquis*, dénommé le régime « L137-11-2 ».
- Pour le bénéficiaire, les droits sont désormais acquis, même en cas de départ de l’entreprise avant la retraite, et la sortie se fait toujours uniquement en rente viagère. A la retraite, les prélèvements restent identiques à ceux des anciens Art39.
- Pour l’employeur, une nouvelle réglementation s’applique, avec entre autres l’obligation de financer chaque année, au minimum 80% des droits acquis auprès d’un organisme assureur. Par ailleurs, le coût social de ce régime s’accroit.
Le renouveau d’un ancien dispositif : l’article 82
Certaines entreprises ont changé de paradigme, en mettant en place des régimes de retraite à cotisations définies, les Articles 82.
En raison de la possibilité de sortie en capital, d’une fiscalité avantageuse à la sortie (flat-tax) et de la potentielle disponibilité des droits avant la retraite (on parlera alors d’Article 82 « rachetables »), ces régimes d’assurance vie ont été privilégiés par certaines entreprises.
Articulés autour d’un gross-up destiné à tenir compte des charges et des impôts générés par cet avantage en nature, le coût d’un Article 82 reste inférieur à celui d’un L137-11-2 pour les rémunérations de dirigeants les plus élevées.
Le recours aux LTI
Enfin d’autres entreprises ont axé la politique retraite de leurs dirigeants autour de systèmes Long Term Incentive, et particulièrement en ayant recours au système favorable des attributions d’actions de performance.
Ce dispositif permet de répondre à la volonté de constitution de droits à retraite en alignant les intérêts des bénéficiaires du plan avec ceux de l’entreprise.
Le processus de décision des entreprises
Le choix entre les deux dispositifs phares (Art 82 et L137-11-2) repose sur divers critères qui peuvent être différents d’une entreprise à une autre. Le régime L137-11-2 incarne la continuité par rapport à l’ancien régime L137-11, et offre grâce à la sortie en rente une protection viagère solide. L’Article 82 a lui l’avantage d’être extrêmement souple : la gestion financière et le mode de sortie (rente ou capital) sont entièrement à la main du bénéficiaire. Chaque entreprise a mis en place le dispositif qui répondait le mieux à ses attentes propres.
Certains groupes n’ayant pas encore mis en place de tels dispositifs y réfléchissent toujours, car les régimes de retraite d’entreprise restent des outils essentiels pour répondre aux enjeux d’attraction des talents, d’incitation à la performance et d’alignement des intérêts entre l’entreprise et ses dirigeants.
*INSTRUCTION INTERMINISTERIELLE N° DSS/3C/5B/2020/237 du 23 décembre 2020.